

Origine de la Terre -4,6 Ga

Il y a environ 4,6 milliards d'années, à l'emplacement de notre coin d'univers, flottait un gigantesque nuage de gaz et de poussières interstellaires, froid et sombre. C'est dans ce berceau cosmique, une nébuleuse primitive, que l'histoire de notre planète a commencé, une épopée de création et de chaos s'étalant sur des millions d'années.
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Tout a débuté par l'effondrement gravitationnel d'une partie de ce nuage immense. Peut-être déclenché par l'onde de choc d'une supernova voisine, cet effondrement a rassemblé la matière vers un centre de plus en plus dense et chaud : la protoétoile, notre futur Soleil. Mais toute la matière n'est pas tombée au centre. La rotation initiale du nuage, s'accélérant à mesure qu'il se contractait (comme un patineur qui ramène ses bras), a forcé une partie du gaz et des poussières à s'aplatir en un vaste disque tourbillonnant : le disque protoplanétaire.
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Ce disque n'était pas uniforme. Près du jeune Soleil ardent, la chaleur était intense, ne permettant qu'aux matériaux les plus résistants – les métaux comme le fer et le nickel, et les silicates formant les roches – de se condenser sous forme solide. Plus loin, au-delà d'une frontière invisible appelée la "ligne des glaces" (située à peu près là où se trouve aujourd'hui la ceinture d'astéroïdes, actuellement entre Mars et Jupiter), les températures chutaient suffisamment pour que l'eau, le méthane et l'ammoniac puissent geler. Cette différence fondamentale de température a dicté la composition future des planètes : rocheuses et denses à l'intérieur (Mercure, Vénus, Terre, Mars), gazeuses et glacées à l'extérieur (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune). La présence abondante de glace au-delà de cette ligne a fourni beaucoup plus de matière solide, permettant aux planètes externes de devenir des géantes.
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Une fois les premiers grains solides formés, le défi était de les assembler. Au début, les minuscules grains de poussière (de la taille du micron) se sont collés les uns aux autres grâce à des forces électrostatiques et de surface (forces de Van der Waals), un peu comme des boules de neige qui grossissent. Ils ont formé des agrégats floconneux de quelques centimètres.
Mais un obstacle majeur est apparu : la "barrière du mètre". Lorsque ces agrégats atteignaient la taille d'un caillou ou d'un rocher, leur interaction avec le gaz du disque changeait. Ils subissaient une friction qui, paradoxalement, freinait leur croissance. D'une part, cette friction les faisait spiraler rapidement vers le Soleil, menaçant de les vaporiser en quelques siècles. D'autre part, elle augmentait la vitesse de leurs collisions, les rendant destructrices plutôt que constructives. Comment surmonter cette barrière ? Les scientifiques pensent que des turbulences dans le gaz ou des instabilités locales ont pu concentrer suffisamment de ces "cailloux" pour qu'ils s'effondrent sous leur propre gravité permettant ainsi la formation de corps bien plus gros : les planétésimaux, des astéroïdes primitifs de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres de diamètre.
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À partir de là, la gravité a pris le relais. Les planétésimaux les plus gros attiraient les plus petits, entrant en collision et fusionnant. Ce processus, d'abord rapide, s'est ralenti pour laisser place à une phase "oligarchique", où quelques gros embryons planétaires (de la taille de la Lune ou de Mars) dominaient leur voisinage, continuant à "nettoyer" leur zone d'alimentation en gobant les planétésimaux restants. Une autre idée gagne du terrain : l'"accrétion de cailloux", où ces embryons auraient très efficacement capturé les myriades de "cailloux" dérivant dans le disque, permettant une croissance potentiellement beaucoup plus rapide, surtout pour les noyaux des planètes géantes.
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La dernière étape de la formation des planètes telluriques fut une période de chaos et de violence inouïe : la phase des impacts géants. Une fois le gaz du disque dissipé (après quelques millions d'années), les orbites des embryons planétaires sont devenues instables. Ils se sont percutés lors de collisions cataclysmiques pendant des dizaines de millions d'années. C'est ainsi que la proto-Terre a atteint sa taille finale, par une série de fusions titanesques. Le résultat final de ce grand "billard cosmique" était en partie aléatoire, expliquant pourquoi les planètes rocheuses, bien que formées à partir des mêmes ingrédients de base, sont si différentes les unes des autres.
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Pendant qu'elle grandissait, la Terre chauffait intensément. L'énergie des impacts incessants et la désintégration d'éléments radioactifs hérités de la nébuleuse (comme l'aluminium-26, très actif au début) ont fait fondre une grande partie de la jeune planète. La Terre primitive était probablement recouverte d'un océan de magma global, une mer de roche en fusion sur des centaines, voire des milliers de kilomètres de profondeur.
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Dans cette fournaise, la gravité a pu faire son œuvre de tri. Les éléments les plus denses, principalement le fer et le nickel (dits "sidérophiles", qui aiment le fer), ont coulé vers le centre pour former le noyau métallique de la Terre. Les éléments plus légers, les silicates (roches composées de silicium, oxygène, magnésium, etc., dits "lithophiles", qui aiment la roche), sont restés en surface, formant le vaste manteau terrestre.