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Les Sucs d'Yssingeaux

Introduction

Située dans la partie orientale du Massif Central français, au cœur du Velay volcanique , la ville d'Yssingeaux et sa région environnante offrent un paysage géologiquement riche et morphologiquement contrasté. Appartenant au département de la Haute-Loire, Yssingeaux se trouve également au carrefour d'influences historiques et culturelles du Languedoc et de l'Auvergne. Le territoire se caractérise par la juxtaposition de terrains anciens, témoins d'une longue histoire géologique et largement aplanis par l'érosion, et de reliefs volcaniques spectaculaires hérités d'une activité magmatique cénozoïque.  

Le paysage yssingelais est profondément marqué, voire dominé, par les traces de ce volcanisme passé. Les "sucs", ces dômes volcaniques sans cratère apparent, constituent l'élément le plus emblématique et distinctif de la région. Décrits comme uniques en Europe , ils sculptent l'horizon et confèrent au "Pays des Sucs" une identité visuelle forte et un caractère insolite, propice à la découverte.  

Ce rapport vise à dresser un portrait détaillé du volcanisme de la région d'Yssingeaux. Il abordera son histoire géologique en lien avec le contexte structural régional, décrira les différentes formations volcaniques identifiées (sucs, coulées, maars), précisera les types de roches et les dynamismes éruptifs associés, analysera l'impact de cette activité ancienne sur le modelé actuel du paysage, et recensera les ressources géologiques, scientifiques et touristiques liées à ce patrimoine. Enfin, il examinera la question des risques naturels résiduels ou actuels dans la zone. L'analyse s'appuie sur les données géologiques disponibles, notamment les cartes et notices du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) ainsi que diverses études scientifiques et documents de vulgarisation.

Il apparaît d'emblée que le volcanisme de la région d'Yssingeaux, principalement actif durant le Miocène, entre environ 15 et 6 millions d'années , est intimement lié à l'histoire tectonique du Massif Central, marquée par les répercussions de l'orogenèse alpine et la formation de structures locales comme le dôme anatectique du Velay et le fossé d'effondrement de l'Emblavès. Cette interaction entre processus profonds et structures crustales a engendré une diversité de manifestations volcaniques, allant de vastes plateaux basaltiques à des édifices phonolitiques proéminents, les fameux sucs.  

I. Contexte Géologique et Histoire Volcanique

A. Le Socle Ancien (Anté-Volcanique)

Avant que les premières laves ne percent la surface, la région d'Yssingeaux reposait sur un socle continental ancien et complexe. Ce socle est principalement constitué par le "complexe granitique du Velay", un vaste massif de roches granitiques mis en place il y a environ 300 millions d'années (Ma), durant la fin du Carbonifère. Cette période correspond aux phases tardives de l'orogenèse varisque (ou hercynienne), une chaîne de montagnes majeure qui a structuré une grande partie de l'Europe occidentale.  

Ces granites sont associés à des roches métamorphiques plus anciennes, encaissantes ou reprises dans le processus de fusion partielle (anatexie) qui a donné naissance aux granites du Velay. On y trouve notamment des gneiss et des micaschistes, regroupés par les géologues en unités structurales comme l'Unité Inférieure des Gneiss (UIG). Certains de ces gneiss (orthogneiss) dérivent eux-mêmes de granites encore plus anciens, datés du Cambrien (environ 528 ± 9 Ma). L'ensemble de ce socle varisque et pré-varisque témoigne donc d'une histoire géologique longue et mouvementée, antérieure de plusieurs centaines de millions d'années à l'épisode volcanique qui nous intéresse ici.  

Après sa mise en place et sa structuration lors de l'orogenèse varisque, ce socle a subi une très longue période d'érosion qui a progressivement arasé les reliefs montagneux pour former une surface relativement plane, appelée pénéplaine. C'est sur cette surface pénéplanée, ou légèrement ravinée par les premiers réseaux hydrographiques tertiaires, que les formations volcaniques cénozoïques viendront se déposer. La nature et la structure de ce socle préexistant ont joué un rôle fondamental dans la suite des événements. Les failles et fractures héritées de l'histoire varisque ont constitué des zones de faiblesse privilégiées pour la remontée des magmas ultérieurs. De plus, la composition essentiellement granitique (riche en silice) de cette croûte a pu interagir avec les magmas mantelliques primaires, contribuant potentiellement à leur différenciation et à la genèse des laves plus évoluées comme les phonolites qui caractérisent de nombreux sucs de la région.  

B. La Tectonique Cénozoïque et le Contrôle Structural

L'activité volcanique dans le Velay, et plus largement dans le Massif Central, n'est pas un phénomène isolé mais s'inscrit dans un contexte tectonique régional complexe durant l'ère Cénozoïque (depuis 66 Ma). La formation des Alpes, plus au sud-est, a eu des répercussions importantes sur l'ensemble du Massif Central, provoquant un soulèvement général du socle ancien et réactivant d'anciennes structures ou en créant de nouvelles.  

Durant le Paléogène et le Néogène, cette tectonique a conduit à la formation d'un système de blocs soulevés (horsts) et de fossés d'effondrement (grabens). La région d'Yssingeaux est particulièrement marquée par la présence du demi-graben de l'Emblavès, une structure d'effondrement orientée selon un axe nord-ouest / sud-est. Ce graben est bordé au sud-est par le horst de Saint-Quintin-Chaspinhac et à l'est par le plateau granitique. La zone d'Yssingeaux se situe précisément à cheval sur cette structure majeure.  

Ce contexte d'extension crustale, matérialisé par le graben de l'Emblavès, a joué un rôle crucial dans la localisation du volcanisme. Les failles associées à l'effondrement ont créé des conduits naturels facilitant la remontée des magmas depuis les profondeurs du manteau ou de la croûte inférieure. L'alignement préférentiel de nombreux édifices volcaniques et filons (dykes) selon cette direction NW-SE confirme ce contrôle structural direct. Ainsi, la tectonique cénozoïque, en créant des zones d'amincissement et de fracturation de la croûte, a conditionné l'emplacement et la distribution géographique des volcans dans la région d'Yssingeaux. Des failles plus anciennes, parfois soulignées par des filons hydrothermaux permiens , ont pu également être réactivées et utilisées par les magmas tertiaires.  

C. Chronologie du Volcanisme dans le Secteur d'Yssingeaux

L'activité volcanique dans le secteur d'Yssingeaux s'inscrit dans le cadre plus large du volcanisme du Velay, qui s'est étalé sur une longue période, allant d'environ 14 Ma jusqu'à environ 1 Ma. Cependant, l'essentiel de l'activité autour d'Yssingeaux semble s'être concentré durant le Miocène, entre environ 15 et 6 Ma. Cette période a vu la mise en place des deux grands types de formations qui caractérisent la région : d'une part, des laves basaltiques fluides formant de vastes plateaux, et d'autre part, des laves plus visqueuses (phonolites, trachytes) édifiant les dômes proéminents appelés sucs.  

Les données de datation isotopique (principalement par les méthodes Potassium-Argon K/Ar et Argon-Argon Ar/Ar ), compilées notamment dans la notice de la carte géologique d'Yssingeaux , permettent de distinguer plusieurs phases principales :  

  • Miocène Moyen (environ 15.7 à 10 Ma) : Cette période marque le début de l'activité volcanique significative dans la région. Des coulées basaltiques anciennes sont datées de cette époque, comme celles de la Plaine de Fariès vers 15,7 Ma. C'est aussi durant cette phase que l'essentiel des laves différenciées (trachytes et phonolites) semble s'être mis en place, formant les premiers sucs et dômes. Les plus anciens sucs sont datés autour de 14 Ma ou 12 Ma. Le massif trachyphonolitique du plateau de la Madeleine est également considéré comme l'un des plus anciens, avec des âges estimés entre 14 et 12,5 Ma. L'activité trachytique et phonolitique majeure se situe globalement entre 15 et 10 Ma.  

  • Miocène Supérieur (environ 10 à 6 Ma) : Le volcanisme se poursuit avec l'édification de dômes et l'émission de coulées différenciées, mais cette période est également marquée par d'importantes éruptions basaltiques. La coulée de basalte de La Faye / des Barrys, qui recouvre des alluvions miocènes, est datée à environ 9,3 Ma. Les basaltes de la colline Saint-Roch près d'Yssingeaux sont estimés à environ 10 Ma. Une phase majeure d'épanchement basaltique se situe entre 8 et 6 Ma.  

  • Pliocène et Quaternaire (environ 3 à 0.6 Ma) : Après le Miocène, l'activité volcanique devient plus sporadique et localisée dans le secteur immédiat d'Yssingeaux. Quelques coulées basaltiques plus récentes témoignent de cette phase tardive, comme celle de La Huche Plate datée à environ 1,23 Ma. À l'échelle régionale du Velay et du Devès voisin, l'activité basaltique s'est poursuivie jusqu'à environ 0,6 Ma.  

Cette longue histoire volcanique, s'étalant sur près de 15 millions d'années avec des phases d'activité distinctes et le chevauchement d'éruptions de compositions différentes (basaltes et laves différenciées), suggère l'existence d'un système magmatique complexe sous la région. Il est probable que différentes sources de magma dans le manteau aient été sollicitées au fil du temps, ou que les magmas aient subi des degrés variables de stagnation, de différenciation par cristallisation fractionnée et potentiellement de contamination par la croûte terrestre lors de leur remontée. Les changements dans le régime tectonique régional ont pu également influencer les rythmes et les styles d'éruption au cours de cette longue période.

II. Les Édifices Volcaniques Autour d'Yssingeaux

La longue période d'activité volcanique a laissé un héritage morphologique riche et varié autour d'Yssingeaux. L'érosion post-volcanique a ensuite sculpté ces édifices pour façonner le paysage actuel, dominé par des formes caractéristiques.

A. Les Sucs : Emblèmes du Paysage

Les sucs sont sans conteste les formes volcaniques les plus emblématiques du paysage yssingelais et du Velay oriental. Il s'agit de collines en forme de dôme, généralement dépourvues de cratère sommitale bien défini. Leur nom proviendrait du patois local "Suchaillou", désignant un relief saillant et arrondi. Leur morphologie distinctive et leur concentration dans cette région leur valent d'être considérés comme un paysage unique en Europe.  

Ces édifices résultent de l'extrusion de laves très visqueuses, principalement des phonolites et des trachytes. En raison de leur faible fluidité, ces laves s'accumulent autour du point de sortie au lieu de s'étaler en vastes coulées, formant ainsi des dômes ou des aiguilles. Ce type d'éruption, caractérisé par la croissance de dômes de lave visqueuse, est souvent qualifié de "péléen", par analogie avec les éruptions de la Montagne Pelée en Martinique, bien que les manifestations explosives associées (nuées ardentes) ne semblent pas avoir été dominantes dans la formation de la plupart des sucs du Velay. L'érosion différentielle a ensuite joué un rôle majeur en dégageant ces édifices résistants des terrains encaissants plus tendres (socle altéré, formations sédimentaires ou pyroclastiques), accentuant leur proéminence dans le paysage.  

La composition pétrographique des sucs est donc dominée par les phonolites et les trachytes. Des variations existent cependant, avec par exemple le Mont Chabrier constitué de trachy-andésite , ou le complexe de la Tortue associant une "carapace" de phonolite agpaïtique et une "tête" de phonolite miaskitique. Le Mont Chanis est interprété comme un cumulo-dôme composite de téphri-phonolite.  

De nombreux sucs parsèment le paysage autour d'Yssingeaux et dans le massif voisin du Meygal. Parmi les plus notables cités dans les documents consultés, on trouve le Lizieux (1388 m), le Testavoyre, le Gerbizon , le Suc d'Ayme (1137 m) , les sucs des Ollières (1186 m), d'Achon (1151 m), de Jorance (1188 m) et de Bellecombe (1178 m) , le Suc de Saussac (1186 m) , le Suc du Mounier , La Tortue , le Mont Chabrier , le Suc de Monac (identifié comme un dyke de trachy-andésite ), le Mont Chanis , ainsi que les sucs de Pertuis, d'Orsier, d'Emeral, de Jalore, de Fiallet, de Bessac, de Cornavis, de Rougeac et d'Allibert.  

L'étude détaillée de ces édifices révèle parfois des structures internes intéressantes, comme des systèmes de prismation (colonnes de refroidissement) qui peuvent être courbes ou rayonner à partir du point d'émission. Un faciès particulier, la "phonolite à billes", a été observé en bordure de certaines protrusions, comme au Suc de Bellecombe. Sa formation pourrait être liée à un refroidissement rapide de la lave, potentiellement au contact de l'eau, ou à des processus de dévitrification spécifiques. La morphologie générale des sucs, en forme de dôme sans grand cratère, suggère que leur croissance s'est faite principalement par extrusion effusive de lave visqueuse. Cependant, comme nous le verrons, des épisodes explosifs ont également eu lieu dans la région, indiquant que le potentiel éruptif n'était pas uniquement effusif.  

B. Les Coulées de Lave : Plateaux et Vallées Comblées

Si les sucs constituent les reliefs les plus spectaculaires, les coulées de lave occupent également une place importante dans le paysage volcanique autour d'Yssingeaux. Elles témoignent d'éruptions où le magma était suffisamment fluide pour s'épancher sur des distances significatives.

Les coulées les plus étendues sont d'origine basaltique. Ces laves, moins visqueuses que les phonolites, ont pu former de vastes plateaux , comme celui de Vastres-Champclause. Ces plateaux représentent des volumes considérables de magma émis et témoignent de périodes d'activité basaltique intense.  

Des coulées de laves plus différenciées (et donc plus visqueuses) existent également, bien que généralement moins étendues. Le plateau de la Madeleine, constitué de trachyphonolite, en est un exemple notable ; son origine est d'ailleurs débattue, entre une coulée épaisse ayant rempli une paléo-vallée (puis mise en relief par inversion) et un filon (dyke) dégagé par l'érosion. D'autres coulées de phonolite sont mentionnées, comme celles de Glavenas ou de Bilhère (formant le Mont Plaux).  

Plusieurs coulées basaltiques spécifiques ont été étudiées. La coulée de La Faye (ou des Barrys), datée d'environ 9,3 Ma, est épaisse d'une quinzaine de mètres et repose sur des dépôts alluviaux du Miocène, fournissant un marqueur chronologique précieux. La coulée basaltique d'Yssingeaux montre une structure interne classique avec une base formée de prismes réguliers et verticaux (colonnade) surmontée par une zone à prismation plus irrégulière (entablement). Des coulées sont également signalées près de Queyrières et la coulée de La Huche Plate représente un épisode plus récent (environ 1,23 Ma). Les basaltes eux-mêmes présentent des variations de texture (porphyriques avec de grands cristaux, ou aphyriques sans cristaux visibles à l'œil nu) et peuvent contenir des enclaves de péridotite arrachées au manteau terrestre lors de la remontée du magma.  

Le refroidissement de ces coulées de lave engendre souvent des structures caractéristiques, notamment la prismation (ou débit en orgues). Les colonnes, généralement polygonales, se forment perpendiculairement aux surfaces de refroidissement. Elles sont donc typiquement verticales dans les coulées horizontales (formant les "orgues" bien connues) mais peuvent être horizontales ou rayonnantes dans les filons (dykes) ou en bordure des dômes. La distinction entre une zone basale à prismes réguliers (colonnade) et une zone supérieure à prismes plus chaotiques (entablement) dans certaines coulées épaisses reflète des conditions de refroidissement différentes entre la base (refroidissement lent et régulier par le bas) et le sommet (refroidissement plus rapide et complexe par le haut et l'intérieur). Parfois, on peut observer sous les coulées les traces du sol sur lequel elles se sont épanchées, qui a été "cuit" par la chaleur de la lave (paléosol rubéfié).  

La présence simultanée de vastes plateaux basaltiques et d'édifices plus localisés de laves différenciées (sucs, dômes, coulées épaisses) illustre bien la nature souvent bimodale (basalte et laves évoluées) du volcanisme dans cette partie du Velay. L'étude des structures de refroidissement comme la prismation, ou des relations stratigraphiques (superposition des coulées , présence de paléosols ), fournit des informations précieuses sur la dynamique des éruptions, le sens d'écoulement des laves et l'environnement qui prévalait à l'époque.  

C. Le Volcanisme Explosif : Maars et Tufs

Bien que le paysage soit dominé par les formes effusives (sucs et coulées), le volcanisme autour d'Yssingeaux a également connu des épisodes explosifs. Ces explosions sont principalement liées à l'interaction entre le magma en cours de remontée et de l'eau présente en surface (lacs, rivières) ou en subsurface (nappes phréatiques). Ce type d'éruption est qualifié de phréatomagmatique.  

Ces interactions explosives créent des dépressions circulaires appelées maars. Plusieurs structures interprétées comme d'anciens maars ont été identifiées sur la feuille géologique d'Yssingeaux, notamment près de Pébellit, du Farron, et d'Apilhac. Le complexe volcanique de Saint-Pierre-Eynac est également associé à un maar et à des dépôts de tufs trachytiques. Des dépôts de tufs basaltiques lités observés à Combevieille sont aussi considérés comme typiques d'un maar. La présence de sédiments lacustres d'âge Oligocène dans la région et la mention d'un phréatomagmatisme en milieu lacustre renforcent l'idée que ces explosions se sont produites au contact de paléo-lacs. D'autres maars bien connus existent dans le Velay, comme ceux de Borée, Issarlès, Saint-Front ou Chaudeyrolles. La structure souterraine d'un maar, remplie de fragments de roches arrachés lors de l'explosion (brèches), est appelée diatrème.  

Les produits de ces éruptions explosives sont des roches fragmentées appelées pyroclastites. Elles incluent les tufs (cendres et lapillis consolidés), les brèches (fragments anguleux de plus grande taille, incluant souvent des morceaux du socle encaissant), et parfois des bombes volcaniques. Des dépôts de tufs trachytiques de maar sont présents à Saint-Pierre-Eynac. Des hyaloclastites, formées par la fragmentation du magma au contact brutal avec l'eau, sont signalées au Rocher-de-Faure. Des projections phréatomagmatiques variées (basaltiques ou plus différenciées) ont été identifiées en plusieurs points, comme près du Col du Pertuis, d'Araules, ou associées aux sucs d'Allibert et du Mont Peylenc. Les dépôts rougeâtres riches en cristaux de pyroxène de Combevieille sont caractéristiques des tufs de maar basaltique. La nature de la brèche du Mas est plus débattue, pouvant correspondre à un dépôt de courant de densité pyroclastique ou à une brèche de cheminée. Des niveaux de scories (fragments vésiculés) peuvent également se trouver intercalés entre des coulées de lave successives, marquant de courtes pauses ou des phases d'activité plus explosive.  

L'existence de ces formations explosives démontre que le style éruptif dans la région d'Yssingeaux n'était pas uniquement déterminé par la composition et la viscosité du magma. La présence d'eau dans l'environnement immédiat du conduit éruptif a joué un rôle critique, capable de transformer une éruption potentiellement effusive en un événement violemment explosif. La paléo-hydrologie de la région au Miocène était donc un facteur de contrôle majeur des dynamismes éruptifs.

D. Autres Formations Intrusives et Érosives

L'érosion a non seulement sculpté les édifices volcaniques de surface (sucs, coulées), mais elle a aussi mis à nu des structures qui se sont formées en profondeur, offrant ainsi une vue sur le "système de plomberie" des anciens volcans.

Les necks sont les restes érodés des cheminées volcaniques, remplis par la lave qui s'y est solidifiée. Ils apparaissent souvent comme des pitons rocheux isolés. Le neck d'Artias, près de Retournac, en est un bel exemple ; il est constitué de basalte (hawaïte) et présente une prismation sub-horizontale remarquable. Le Suc de Périllade est un autre neck d'hawaïte. À une échelle plus large, les rochers de Polignac et de Saint-Michel d'Aiguilhe près du Puy-en-Velay sont également interprétés comme des necks.  

Les dykes (ou filons) sont des intrusions de magma sous forme de lames ou de murs qui recoupent les roches encaissantes. Ils correspondent souvent aux conduits qui ont alimenté les éruptions en surface. Plusieurs dykes sont mentionnés : un dyke basaltique au Suc d'Eyme et au Mont Gerbizon , des dykes de phonolite recoupant les tufs de Saint-Pierre-Eynac , et le Suc de Monac interprété comme un dyke de trachy-andésite intrusif dans des argiles. L'origine du plateau de la Madeleine est parfois interprétée comme un dyke trachyphonolitique dégagé par l'érosion. Dans le Velay, les dykes sont souvent orientés préférentiellement selon la direction NW-SE, parallèle à celle du graben de l'Emblavès, soulignant le contrôle tectonique sur leur mise en place. Des exemples régionaux spectaculaires incluent les Dents du Mézenc ou le Rocher de Brion.  

Ces necks et dykes sont précieux pour les géologues car ils donnent accès à des parties du système volcanique normalement cachées sous la surface. La nature de la roche qui les constitue renseigne sur le type de magma qui transitait par ces conduits. Leur géométrie et leur orientation fournissent des indices sur les contraintes tectoniques et les structures (failles, fractures) qui ont guidé la remontée du magma depuis les zones de stockage en profondeur jusqu'à la surface.

 

III. Pétrologie et Types de Volcanisme

L'étude des roches volcaniques (pétrologie) et des processus éruptifs (dynamismes) permet de mieux comprendre l'origine et l'évolution des magmas ainsi que les conditions de leur mise en place.

A. Les Roches Volcaniques Présentes

La région d'Yssingeaux présente une gamme variée de roches volcaniques, témoignant de processus magmatiques complexes.

  • La Phonolite : C'est sans doute la roche la plus emblématique des sucs du Velay. Il s'agit d'une lave visqueuse, relativement riche en silice et en alcalins (sodium, potassium), contenant souvent des minéraux spécifiques comme les feldspathoïdes (néphéline, sodalite...) en plus des feldspaths alcalins. Sa texture est généralement aphanitique (grains fins non visibles à l'œil nu) ou finement porphyrique. Elle est célèbre pour sa propriété de résonner lorsqu'on la frappe ("pierre qui sonne") et pour son débit en plaques (lauzes) qui a été traditionnellement utilisé pour la couverture des toits dans la région. Des variations chimiques existent, classées en types miaskitiques ou agpaïtiques selon les proportions relatives de certains éléments. Le faciès "phonolite à billes" et les textures "mouchetées" observées dans certaines phonolites ou trachytes pourraient résulter de phénomènes de refroidissement rapide ou d'interaction avec l'eau lors de la mise en place.  

  • Le Basalte : Roche volcanique la plus commune à l'échelle de la planète, le basalte est également bien représenté dans la région, notamment sous forme de vastes coulées formant des plateaux. Il s'agit d'une lave plus fluide que la phonolite, plus pauvre en silice et plus riche en magnésium et en fer. Ses minéraux essentiels sont typiquement les plagioclases, les pyroxènes et souvent l'olivine. Certains basaltes de la région contiennent des enclaves de péridotite, fragments du manteau terrestre arrachés et transportés par le magma lors de sa remontée rapide vers la surface. Les basanites, une variété de basalte particulièrement pauvre en silice et riche en alcalins et olivine, sont également présentes.  

  • Le Trachyte : Roche de composition intermédiaire entre le basalte et la phonolite, le trachyte est également une lave relativement visqueuse formant des dômes et des coulées. Il est principalement composé de feldspaths alcalins et peut contenir d'autres minéraux comme la biotite ou des amphiboles. Différents types sont décrits, comme des trachytes très clairs (hololeucocrates), à plagioclase, ou contenant de la néphéline.  

  • Les Trachyandésites et Trachybasaltes : Ces termes désignent des roches de composition intermédiaire, se situant respectivement entre trachyte et andésite (ou basalte pour le trachybasalte). Le Mont Chabrier est un exemple de suc en trachy-andésite. La coulée de la Torte est un trachybasalte. Des termes plus précis comme benmoréite ou mugéarite apparaissent également dans les légendes de cartes géologiques.  

  • Les Pyroclastites : En plus des laves massives, on trouve les produits fragmentés des éruptions explosives : tufs, brèches, cendres, lapillis, scories. Leur composition reflète celle du magma émis (tufs trachytiques, basaltiques...) mais ils contiennent aussi souvent des fragments arrachés aux roches encaissantes (socle granitique, sédiments...).  

  • Minéraux associés : Outre les minéraux formant les roches elles-mêmes, on peut noter la présence de cristaux libres de pyroxène dans certains dépôts de maar. Par ailleurs, des filons de quartz hydrothermaux, liés à une activité plus ancienne (Permien), recoupent le socle et témoignent de circulations de fluides chauds en profondeur.  

Cette diversité de roches volcaniques, allant des basaltes relativement primitifs aux phonolites très évoluées, est une signature claire des processus de différenciation magmatique. Les magmas basaltiques, issus de la fusion partielle du manteau terrestre, ont pu stagner dans des réservoirs situés dans la croûte. Au cours de ce stockage, le refroidissement progressif entraîne la cristallisation de certains minéraux (olivine, pyroxènes...) qui se séparent du liquide résiduel (cristallisation fractionnée). Ce liquide s'appauvrit ainsi en éléments comme le magnésium et le fer, et s'enrichit en silice, en alcalins et en éléments volatils, évoluant progressivement vers des compositions trachybasaltiques, trachytiques, puis phonolitiques. L'assimilation de matériaux de la croûte granitique environnante a pu également contribuer à cette évolution chimique. L'existence de toute cette gamme de compositions dans la région d'Yssingeaux témoigne donc de l'efficacité de ces processus crustaux de modification des magmas primaires.

B. Dynamismes Éruptifs

Les propriétés des magmas (viscosité, teneur en gaz) ainsi que l'environnement dans lequel ils sont émis (présence d'eau notamment) déterminent le style des éruptions volcaniques. Plusieurs dynamismes sont attestés dans la région d'Yssingeaux :

  • Dynamisme Effusif (Coulées) : Caractérisé par l'épanchement de lave relativement fluide. C'est le style dominant pour les éruptions basaltiques qui ont formé les vastes plateaux. Certaines laves plus différenciées (phonolites, trachytes) ont pu également former des coulées, bien que généralement plus épaisses et moins étendues.  

  • Dynamisme Effusif (Dômes - Péléen) : Typique des laves très visqueuses comme les phonolites et les trachytes. La lave s'accumule autour du point d'émission pour former un dôme ou une aiguille. La croissance est généralement lente, par extrusion progressive. C'est le mécanisme de formation des sucs.  

  • Dynamisme Strombolien : Caractérisé par des explosions modérées et intermittentes qui projettent des fragments de lave (scories, bombes) à quelques dizaines ou centaines de mètres de hauteur, construisant ainsi un cône de scories autour de la bouche éruptive. Ce type d'activité est bien représenté dans le Velay (par exemple les cônes du Devès ou les Monts Breysse ) et des projections stromboliennes sont mentionnées près de Queyrières ou associées à certains édifices du Meygal. Il semble cependant moins prédominant dans le secteur immédiat d'Yssingeaux que les formations effusives.  

  • Dynamisme Phréatomagmatique : Résulte de l'interaction explosive entre le magma et l'eau externe (lacs, nappes phréatiques). Les explosions, souvent violentes, pulvérisent le magma et les roches encaissantes, créant un cratère d'explosion (maar) et dispersant des cendres et des fragments sous forme de retombées ou de courants pyroclastiques de faible hauteur (base surges). La présence de maars et de dépôts de tufs caractéristiques (souvent lités, contenant des fragments de socle) atteste de ce dynamisme à Saint-Pierre-Eynac, Combevieille et potentiellement en d'autres points de la région , probablement en lien avec des paléo-lacs.  

La coexistence de ces différents styles éruptifs dans une même région, parfois au sein d'un même complexe volcanique, souligne la complexité des processus en jeu. Elle montre que les éruptions n'étaient pas uniquement contrôlées par la nature du magma, mais aussi fortement influencées par les conditions environnementales, en particulier la disponibilité d'eau. La région d'Yssingeaux offre ainsi un bel exemple de la diversité des manifestations volcaniques, allant des épanchements tranquilles de basalte fluide à la croissance lente de dômes visqueux, en passant par des explosions violentes lorsque le feu rencontrait l'eau.

 

IV. Impact du Volcanisme sur le Paysage Actuel

L'activité volcanique ancienne a profondément et durablement marqué le paysage de la région d'Yssingeaux. Le relief, le réseau hydrographique, les formations superficielles et même l'occupation humaine des sols portent aujourd'hui encore l'empreinte de ces millions d'années d'histoire magmatique.

A. Façonnement du Relief

L'impact le plus évident du volcanisme est la création de reliefs positifs qui structurent le paysage. Les sucs, par leur forme de dôme ou d'aiguille, constituent des points de repère marquants dans le paysage. Les coulées de lave, qu'elles soient basaltiques ou plus différenciées, ont formé de vastes plateaux ou des mesas plus localisées. Ces constructions volcaniques expliquent en grande partie le caractère accidenté du territoire d'Yssingeaux, qui présente un dénivelé maximal important, de 589 m à 1320 m d'altitude.  

Un processus particulièrement intéressant est celui de l'inversion de relief. Il se produit lorsque des coulées de lave s'épanchent dans des dépressions préexistantes, comme des fonds de vallée. La lave solidifiée, plus résistante à l'érosion que les roches environnantes (socle altéré, sédiments...), forme une carapace protectrice. Au fil du temps, l'érosion va déblayer les terrains plus tendres sur les anciens versants, tandis que le fond de vallée comblé par la lave résiste mieux. Finalement, l'ancienne vallée se retrouve perchée en position de relief (plateau ou crête), tandis que de nouvelles vallées se creusent de part et d'autre. Ce phénomène explique la formation de certains plateaux basaltiques ou phonolitiques de la région, comme celui de La Madeleine ou celui formé par la coulée des Barrys/La Faye.  

L'érosion différentielle est le moteur principal de ce façonnement post-volcanique. Le contraste de dureté entre les roches volcaniques (basaltes, phonolites, trachytes) et les roches du socle (granites, gneiss, souvent altérés en surface) ou les formations sédimentaires plus meubles a conduit à une érosion sélective. Les roches les plus résistantes ont été mises en exergue, formant les reliefs actuels (sucs, plateaux, necks), tandis que les matériaux plus tendres ont été évacués par les cours d'eau. L'intensité de cette érosion sur des millions d'années est considérable ; une estimation basée sur la position de la coulée de La Faye suggère un taux moyen d'incision d'environ 2 millimètres par siècle. Le paysage actuel n'est donc pas simplement la superposition des édifices volcaniques originels, mais le résultat d'une longue interaction entre la construction volcanique et la sculpture par l'érosion. Il représente un palimpseste où les formes actuelles peuvent parfois être l'inverse de la topographie qui existait au moment des éruptions.  

B. Influence sur le Réseau Hydrographique

Le volcanisme a également eu un impact majeur sur l'organisation du réseau de drainage de la région. Les coulées de lave et les édifices volcaniques ont constitué des obstacles naturels qui ont pu barrer le cours des rivières préexistantes, les forçant à trouver de nouveaux itinéraires. Le plateau de la Madeleine, par exemple, aurait pu bloquer le passage de l'Ance, la contraignant à changer de direction. À plus grande échelle, le cours sinueux de la Loire dans cette partie du Massif Central est attribué, au moins en partie, à l'influence conjuguée de la tectonique et du volcanisme qui ont perturbé son tracé originel.  

Suite à ces perturbations et au soulèvement régional, les cours d'eau ont dû s'adapter en incisant de nouvelles vallées, souvent profondes et encaissées, à travers les formations volcaniques résistantes et le socle sous-jacent. La vallée du Ramel, décrite comme encaissée et profonde avec un dénivelé de 140 m, en est une illustration. Les principaux cours d'eau drainant la commune d'Yssingeaux aujourd'hui sont le Lignon du Velay, l'Auze, le Ramel, la Siaulme et la Crisselle. Le volcanisme a donc joué un rôle fondamental dans la réorganisation des chemins de l'eau, dictant les nouveaux tracés fluviaux et initiant le creusement des vallées que l'on observe actuellement.

 

C. Formations Superficielles et Sols

Au-delà des grands reliefs, l'héritage volcanique se manifeste aussi dans les formations géologiques de surface et les sols qui en dérivent.

Les "rivières de pierres" (appelées localement "chiers" ou "clapiers") sont des formations particulièrement remarquables et caractéristiques du Velay, notamment sur les flancs de certains sucs phonolitiques comme ceux observés près de Montusclat sur les pentes de La Tortue. Elles se présentent comme de vastes accumulations de blocs anguleux de phonolite, de taille décimétrique à métrique, qui semblent s'écouler lentement sur des pentes relativement faibles. Leur formation est généralement attribuée à la fragmentation de la roche en place par le gel (gélifraction) durant les périodes froides du Quaternaire (périglaciaires), suivie d'un lent mouvement de masse des blocs sur une matrice sous-jacente argilo-silteuse, potentiellement aidé par la présence de glace interstitielle (gélifluxion). L'origine et le mécanisme exact de leur mise en place font encore l'objet de recherches, mais elles constituent un témoignage unique de l'interaction entre la lithologie volcanique spécifique (phonolite se débitant en blocs) et les conditions climatiques passées. D'autres exemples d'éboulis existent, comme ceux de Bourianne.  

Les roches volcaniques, en s'altérant, donnent naissance à des sols aux propriétés particulières. Les cartes géologiques distinguent les colluvions (matériaux déplacés sur les versants) issues de matériaux volcaniques acides (CΦ, dérivés des phonolites/trachytes), basaltiques (Cβ) ou mixtes (Cv), des arènes granitiques (𝓐γ) issues de l'altération du socle. Ces différences de sols influencent la végétation naturelle et les aptitudes agricoles. La nature même de la roche volcanique peut aussi avoir un impact sensoriel, comme le note une source à propos de la marche "sonore" sur ces terrains.  

D. Relation avec l'Occupation des Sols

La topographie et la nature des sols héritées du volcanisme influencent directement la manière dont l'homme occupe et utilise le territoire. Les sucs du Meygal structurent le paysage autour d'Yssingeaux et conditionnent l'occupation du sol.  

Les pentes fortes et les terrains rocheux des sommets des sucs sont souvent le domaine de la forêt (pins, sapins) ou restent à l'état de rochers nus, parfois dépourvus de végétation. Les versants moins abrupts, les replats et les vallons entre les massifs sont plus propices au développement d'un paysage de bocage, mêlant prairies, cultures et haies. Les vastes plateaux peuvent être couverts de forêts (comme les forêts du Felletin ) ou utilisés pour l'agriculture et l'élevage. Les statistiques d'occupation du sol pour la commune d'Yssingeaux montrent la prédominance des prairies (37%) et des forêts (35%), suivies par les zones agricoles hétérogènes (21%). Plus récemment, on note le développement de la culture de petits fruits rouges sous tunnels sur certains plateaux.  

Il existe donc une corrélation étroite entre la géomorphologie volcanique et les patrons d'occupation du sol. Les contraintes naturelles imposées par le relief (pente, altitude), la nature des roches (pierrosité) et les sols qui en dérivent ont façonné un paysage agraire et forestier en mosaïque, intimement lié à l'histoire géologique de la région.

V. Ressources Géologiques et Touristiques

Le riche passé volcanique de la région d'Yssingeaux ne constitue pas seulement un objet d'étude scientifique, mais aussi une ressource patrimoniale et touristique majeure.

A. Documentation Scientifique

La compréhension du volcanisme local repose sur un corpus important de travaux scientifiques et de documents cartographiques.

  • Cartes Géologiques : L'outil fondamental est la carte géologique de la France au 1/50 000ème publiée par le BRGM. La feuille n°792 Yssingeaux couvre spécifiquement la zone d'intérêt. Cette carte, publiée en 1998, est accompagnée d'une notice explicative détaillée de 145 pages qui synthétise les connaissances géologiques sur le secteur. Des données cartographiques vectorisées et harmonisées sont également disponibles. Les feuilles adjacentes, comme la n°768 Monistrol-sur-Loire, sont aussi pertinentes pour comprendre le contexte régional.  

  • Études et Rapports : De nombreuses études scientifiques, rapports techniques (notamment du BRGM ) et publications dans des revues spécialisées ou des actes de colloques ont été consacrés à la géologie et au volcanisme du Velay et de la région d'Yssingeaux. Des chercheurs comme J. Mergoil, P. Boivin ou P. Nehlig ont contribué à ces travaux. Les associations locales, comme le Groupe Géologique de la Haute-Loire (GGHL), jouent également un rôle actif dans l'étude et la diffusion des connaissances géologiques régionales à travers des sorties de terrain et des publications.  

L'existence de cette base documentaire solide, fruit de décennies de recherches et de cartographie systématique, est essentielle. Elle fournit les données factuelles (descriptions de formations, âges, analyses chimiques...) et les interprétations scientifiques qui permettent de reconstituer l'histoire volcanique complexe de la région et qui servent de fondement à ce rapport. L'accès à ces ressources, en particulier la carte géologique et sa notice, est indispensable pour toute étude approfondie.

B. Patrimoine Géologique et Touristique

Le paysage volcanique unique de la région d'Yssingeaux est aujourd'hui largement valorisé comme un atout touristique et patrimonial.

  • Sites Naturels et Panoramas : Les sucs eux-mêmes constituent des attractions majeures. Leur ascension offre souvent des vues panoramiques spectaculaires sur les paysages environnants, permettant d'apercevoir, par temps clair, les Monts du Forez, le Pilat, voire les Alpes au loin. Des points de vue aménagés avec tables d'orientation existent sur certains sommets, comme le Pic du Lizieux (1388 m) qui offre un panorama à 360° , le Suc de Saussac (1186 m) , ou la colline Saint-Roch (900 m). D'autres sites naturels d'intérêt incluent le plateau de la Madeleine , les massifs du Mézenc et du Gerbier de Jonc (sources de la Loire) un peu plus au sud, ou encore le Grand Felletin et le village de Montregard offrant également de vastes panoramas.  

  • Activités de Pleine Nature : La randonnée pédestre est l'activité reine pour découvrir ces paysages. De nombreux sentiers balisés (PR - Petite Randonnée, GR - Grande Randonnée) sillonnent la région. Plusieurs itinéraires de PR sont spécifiquement dédiés à la découverte des sucs (PR 059 "Les 2 sucs", PR 133 "Le suc du Mounier", PR 234 "Au pied de la Jorance", PR 513 "Entre Lizieux et Meygal", etc. ). Le GR 40 fait le tour des volcans du Velay. Des randonnées accompagnées par des guides naturalistes sont également proposées. La véloroute Via Fluvia traverse également ces paysages volcaniques, offrant une découverte accessible à vélo , et est décrite comme un véritable "musée en plein air". D'autres activités comme la trottinette électrique tout terrain sont aussi développées.  

  • Valorisation du Patrimoine : Le réseau départemental "Volcans en Liberté" vise à mettre en valeur ce patrimoine volcanique à travers un réseau de sites aménagés (sentiers d'interprétation, panneaux, tables d'orientation) et d'acteurs proposant des animations pédagogiques. De nombreux sites emblématiques du Velay, y compris certains proches d'Yssingeaux ou dans les massifs voisins (Mont Bar, Polignac, Saint-Michel d'Aiguilhe, etc.), font partie de ce réseau. Le Parc naturel régional des Monts d'Ardèche, limitrophe et classé Géoparc mondial UNESCO, inclut également de nombreux géosites volcaniques pertinents (Mézenc, Gerbier, maars...).  

  • Musées : Pour une approche plus muséographique, le Musée Crozatier au Puy-en-Velay dispose d'une galerie des sciences bien fournie, présentant la paléontologie, la géologie (avec un focus sur le volcanisme local et des animations), la minéralogie régionale et la zoologie. Le Musée d'Arts et Traditions Populaires à Yssingeaux (hameau de Versilhac) est quant à lui centré sur la vie rurale d'autrefois et n'aborde pas spécifiquement la géologie. Plus loin, le parc Vulcania, près de Clermont-Ferrand, est entièrement dédié au volcanisme. Le musée de Chilhac présente des fossiles découverts dans un contexte lié au volcanisme régional.  

  • Autres : Des initiatives ludiques comme un jeu de piste à Yssingeaux ou des hébergements insolites complètent l'offre touristique liée à cet environnement volcanique. La collecte de minéraux, bien que potentiellement intéressante dans certains secteurs , est soumise à réglementation.  

Il apparaît clairement que le patrimoine géologique exceptionnel de la région d'Yssingeaux est reconnu comme une ressource majeure, non seulement pour la science mais aussi pour le développement local à travers le tourisme de nature et de découverte. Les efforts de valorisation (sentiers, réseau "Volcans en Liberté", Via Fluvia) témoignent d'une volonté d'utiliser cette identité volcanique comme un levier d'attractivité, en proposant une offre intégrée alliant paysages, activités de plein air et pédagogie.

VI. Risques Résiduels et Actuels

Si le volcanisme a façonné le paysage, il est légitime de s'interroger sur les risques potentiels qui pourraient subsister aujourd'hui, qu'ils soient directement liés à cette activité passée ou à d'autres phénomènes naturels ou anthropiques.

A. Risque Volcanique

L'activité volcanique dans le Velay, y compris dans le secteur d'Yssingeaux, est considérée comme éteinte. Les dernières éruptions dans la région au sens large (massif du Devès) remontent à environ 600 000 ans. Les formations volcaniques autour d'Yssingeaux sont, pour l'essentiel, bien plus anciennes, datant principalement du Miocène (entre 15 et 6 millions d'années). Aucun indice d'activité volcanique actuelle (fumerolles, sismicité volcanique, déformation du sol) n'est rapporté dans les documents consultés pour cette zone. La question de savoir si les volcans pourraient un jour se réveiller reste théoriquement ouverte, comme pour toute région volcanique ancienne, mais la probabilité est considérée comme extrêmement faible à l'échelle humaine. Les mentions de "géothermie" dans la région font référence à l'exploitation de la chaleur stable du sol via des pompes à chaleur, et non à une ressource géothermique profonde liée à un réservoir magmatique résiduel. Par conséquent, le risque direct d'une éruption volcanique à Yssingeaux est aujourd'hui considéré comme négligeable.  

B. Risque Sismique

Bien que située dans une zone de volcanisme ancien, qui est souvent associée à des structures tectoniques (failles), la région d'Yssingeaux présente un niveau de risque sismique considéré comme faible. Selon le zonage sismique national français, la commune d'Yssingeaux est classée en zone de sismicité 2 (faible). Certaines communes voisines peuvent se trouver en zone 3 (modérée), mais le niveau d'aléa sismique pour Yssingeaux même reste bas. Cela signifie que des séismes destructeurs sont très peu probables, même si des secousses mineures peuvent occasionnellement être ressenties.  

C. Risque Radon

Un risque géologique non négligeable et directement lié à la nature du sous-sol est celui du radon. Le radon est un gaz radioactif naturel issu de la désintégration de l'uranium présent dans les roches. Les terrains granitiques, qui constituent le socle de la région , sont connus pour contenir des concentrations d'uranium plus élevées que la moyenne. En conséquence, la commune d'Yssingeaux est classée en zone 3 pour le potentiel radon, ce qui correspond à un potentiel significatif. Ce gaz peut s'accumuler dans les espaces clos, notamment les bâtiments, et son inhalation prolongée présente un risque pour la santé (cancer du poumon). Ce risque n'est pas lié au volcanisme lui-même, mais à la composition du socle granitique sous-jacent. Une surveillance et des mesures de prévention (ventilation des bâtiments) sont donc recommandées dans les zones à potentiel radon élevé.  

D. Autres Risques Naturels et Technologiques

Au-delà des risques volcanique (nul), sismique (faible) et radon (significatif), la commune d'Yssingeaux est exposée à d'autres aléas naturels et technologiques :

  • Mouvements de Terrain : Le risque d'affaissement ou d'effondrement lié à la présence de cavités souterraines (naturelles ou d'origine humaine comme d'anciennes carrières ou mines) est mentionné. Un inventaire national de ces cavités existe pour mieux appréhender ce risque. Ce risque est listé parmi les risques majeurs potentiels pour la commune.  

  • Inondations et Coulées de Boue : C'est le risque naturel considéré comme majeur en Haute-Loire, en raison de la densité du réseau hydrographique et de l'urbanisation parfois présente dans les zones inondables. Yssingeaux a d'ailleurs été reconnue en état de catastrophe naturelle à plusieurs reprises pour des inondations et coulées de boue suite à de fortes précipitations ou à la fonte des neiges (par exemple en 1982, 1985, 1996, 2001, 2008).  

  • Risques Climatiques : La commune peut être affectée par des vents violents (tempêtes), des vagues de chaleur (canicules), des épisodes de grand froid, ou de fortes chutes de neige (reconnue en catastrophe naturelle pour le poids de la neige en 1982). La vigilance météorologique est donc importante.  

  • Feux de Forêt : Le risque d'incendie de forêt est considéré comme croissant, favorisé par les périodes de sécheresse et l'importante couverture forestière de la région.  

  • Rupture de Barrage : La proximité du barrage de Lavalette (sur la commune de Lapte) expose potentiellement Yssingeaux au risque de rupture de cet ouvrage, bien que ce risque soit géré par des plans spécifiques (Plan Particulier d'Intervention - PPI).  

  • Risques Technologiques : Les risques liés aux installations industrielles sont considérés comme faibles en Haute-Loire, et aucun site à risque majeur n'est signalé à proximité immédiate d'Yssingeaux.  

En conclusion sur les risques, il apparaît que si l'héritage volcanique façonne le paysage et l'identité d'Yssingeaux, il ne représente plus une menace directe. Les préoccupations actuelles en matière de risques naturels sont dominées par les aléas hydro-météorologiques (inondations, tempêtes, neige...) et par des risques géologiques non volcaniques comme le radon ou l'instabilité potentielle liée aux cavités souterraines.

Conclusion

Le volcanisme de la région d'Yssingeaux, bien qu'éteint depuis des centaines de milliers voire des millions d'années, demeure omniprésent dans le paysage et l'identité locale. Son histoire, qui s'étend principalement sur le Miocène (15-6 Ma), est indissociable du contexte tectonique du Massif Central, notamment de la formation du graben de l'Emblavès qui a guidé la remontée des magmas.

Cette activité a engendré une remarquable diversité de formations et de roches : des coulées basaltiques fluides formant de vastes plateaux, des laves visqueuses (phonolites, trachytes) édifiant les emblématiques sucs en forme de dômes, et des produits d'éruptions explosives (maars, tufs) témoignant d'interactions avec l'eau. L'étude de ces formations, facilitée par une documentation scientifique conséquente incluant la cartographie géologique détaillée, révèle une histoire magmatique complexe impliquant des processus de différenciation et des styles éruptifs variés.

L'érosion post-volcanique a joué un rôle crucial dans le façonnement du paysage actuel, sculptant les édifices résistants, créant des inversions de relief spectaculaires et influençant profondément le réseau hydrographique et l'occupation des sols. Ce paysage unique, caractérisé par ses sucs et ses plateaux, constitue aujourd'hui un patrimoine naturel et culturel majeur, activement valorisé à des fins touristiques et pédagogiques à travers des sentiers de randonnée, des véloroutes comme la Via Fluvia, et des initiatives comme le réseau "Volcans en Liberté".

Si le risque d'une nouvelle éruption volcanique est considéré comme négligeable, la région reste soumise à d'autres aléas naturels. Les risques hydro-météorologiques (inondations, coulées de boue, phénomènes climatiques extrêmes) représentent la menace la plus significative. De plus, des risques géologiques non volcaniques, tels que le potentiel radon élevé lié au socle granitique et la possible instabilité liée aux cavités souterraines, nécessitent une attention continue.

En définitive, la région d'Yssingeaux offre un exemple fascinant de l'héritage durable d'un volcanisme ancien. Comprendre son histoire géologique permet non seulement d'apprécier la singularité de ses paysages, mais aussi de mieux cerner les ressources et les contraintes naturelles qui façonnent encore aujourd'hui ce territoire du Velay.

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