

La Grande Extinction -252 Ma

L'extinction Permien-Trias (P-T), surnommée "La Grande Mort", survenue il y a environ 251,9 millions d'années, représente la crise biologique la plus dévastatrice de l'histoire terrestre. Cet événement marque la transition entre les ères Paléozoïque et Mésozoïque et a failli anéantir toute vie complexe. Les datations de haute précision, notamment celles de Meishan en Chine, situent le pic de l'extinction sur une période remarquablement courte d'environ 60 000 ans, pointant vers une cause catastrophique. Cette période coïncide avec une perturbation majeure du cycle du carbone, indiquée par une forte baisse du rapport isotopique.
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Avant la crise, le monde du Permien tardif était dominé par le supercontinent Pangée, entraînant des climats contrastés. Les océans, en particulier la Téthys, abritaient des écosystèmes marins riches avec des récifs construits par des éponges et des coraux primitifs, et une faune benthique dominée par les brachiopodes, mollusques et échinodermes. Les trilobites étaient en déclin terminal. Sur terre, les gymnospermes (comme Glossopteris et les premiers conifères) dominaient la flore. La faune vertébrée était dominée par les synapsides (la lignée menant aux mammifères), en particulier les thérapsides évolués (dicynodontes, gorgonopsiens, cynodontes), tandis que les sauropsides (ancêtres des reptiles et dinosaures) étaient moins prépondérants. Ces écosystèmes, bien que diversifiés, étaient potentiellement vulnérables aux changements environnementaux rapides.​

Fossiles Tribolites
L'ampleur de l'extinction fut sans précédent : environ 81% des espèces marines et 70% des espèces terrestres (dont 78% des genres de vertébrés) disparurent. Des groupes entiers comme les trilobites, les coraux Rugosa et Tabulata, et les blastoïdes furent anéantis. Les invertébrés marins calcifiants (brachiopodes, bryozoaires, crinoïdes, ammonites) subirent des pertes massives. Sur terre, la flore s'effondra (causant le "coal gap"), et les synapsides dominants furent décimés, tandis que les sauropsides résistèrent mieux. La sélectivité de l'extinction suggère que les organismes sensibles à la chaleur, au manque d'oxygène et à l'acidité furent les plus touchés.

Représentation d'un sauropside, ancêtres des dinosaures.
​Le consensus scientifique désigne le volcanisme massif des Trapps de Sibérie comme le déclencheur principal. La coïncidence temporelle entre les éruptions et l'extinction est frappante. L'impact majeur provient de la libération massive de gaz (CO2​, SO2​, potentiellement CH4​), amplifiée par l'intrusion de magma (sills) dans les bassins sédimentaires riches en carbone de Sibérie. Cette phase d'intrusion coïncide précisément avec le début de l'extinction et a permis une libération de gaz plus rapide et massive que les coulées de lave de surface antérieures. La vitesse d'injection de ces gaz a submergé les capacités tampons de la Terre.
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Ce volcanisme a déclenché une cascade de mécanismes létaux :
Réchauffement climatique global : Une hausse rapide des températures (8-10°C dans les tropiques) due à l'effet de serre, provoquant un stress thermique et augmentant la demande en oxygène.
Perturbation du cycle du carbone : L'injection massive de carbone léger, visible dans l'excursion.
Anoxie et euxinie océaniques : Le réchauffement et la stratification des océans ont réduit l'oxygène dissous, créant de vastes zones mortes, potentiellement riches en H2​S toxique.
Acidification des océans : L'absorption du CO2​ a fait chuter le pH marin, nuisant gravement aux organismes calcifiants. D'autres facteurs comme les pluies acides et l'augmentation des UV ont pu s'ajouter. Ces stress ont agi en synergie.
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Les conséquences furent durables. La récupération des écosystèmes fut exceptionnellement lente (5 à 10 millions d'années). Évolutivement, l'extinction mit fin à la domination de la faune paléozoïque et des synapsides terrestres, ouvrant la voie aux archosaures (dont les dinosaures) et à l'émergence des mammifères au Mésozoïque.
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Le consensus scientifique sur le rôle déclencheur des Trapps de Sibérie et la cascade environnementale est solide, basé sur des preuves géochronologiques et géochimiques convergentes. Les débats persistent sur l'importance relative des différents mécanismes létaux, la chronologie fine des événements, les sources exactes de carbone et la dynamique précise de la récupération.
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L'extinction P-T est une leçon cruciale du passé. Elle a redéfini l'évolution et montre la vulnérabilité de la biosphère à une perturbation rapide du cycle du carbone. Les parallèles avec les changements climatiques anthropiques actuels (injection rapide de CO2​, réchauffement, acidification) sont frappants, soulignant la pertinence de l'étude de cet événement pour comprendre les défis environnementaux contemporains et la lenteur potentielle de la récupération écologique après une crise majeure.