

Explosion cambrienne -541 Ma

L'Explosion Cambrienne, survenue il y a environ 541 à 520 millions d’années, constitue un événement charnière dans l'histoire de la vie. Elle se caractérise par l'apparition et la diversification relativement rapides, à l'échelle géologique, de la plupart des grands plans d'organisation corporelle (phyla) qui composent le règne animal actuel. Cette période d'innovation évolutive intense, parfois qualifiée de "Big Bang zoologique», a jeté les bases de la biodiversité animale moderne.
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Avant le Cambrien, durant la période Édiacarienne (environ 635-539 Ma), la vie macroscopique était dominée par des organismes souvent grands mais structurellement simples et à corps mous. Ces formes énigmatiques, comme les Rangéomorphes en forme de fronde ou le Dickinsonia segmenté, vivaient principalement fixées ou se déplaçaient peu sur des fonds marins recouverts de tapis microbiens. La prédation active et le fouissage profond étaient rares. Bien que des traces et quelques fossiles suggèrent l'existence d'ancêtres des animaux cambriens, le contraste avec la faune qui suit est saisissant.

Fossile : Dickinsonia segmenté
Le Cambrien voit une prolifération de nouveautés : squelettes minéralisés (coquilles, carapaces), appendices articulés, organes sensoriels complexes comme les yeux, et une mobilité accrue. Les arthropodes, incluant les célèbres trilobites, deviennent un groupe majeur. De grands prédateurs actifs, tels qu’Anomalocaris, apparaissent et influencent l'évolution par la pression de prédation. Des formes étranges comme Opabinia (cinq yeux, une trompe préhensile) et Hallucigenia (épines dorsales, pattes tentaculaires) témoignent de l'expérimentation évolutive. Fait crucial, les premiers chordés, groupe incluant les vertébrés, apparaissent également, avec des fossiles comme Pikaia. Notre connaissance de cette faune unique provient largement de sites à préservation exceptionnelle (Lagerstätten) comme les Schistes de Burgess au Canada et Chengjiang en Chine, qui fossilisent les tissus mous.

Reconstitution d'un Opabinia
Les causes de cette diversification rapide sont probablement multifactorielles et synergiques. Les hypothèses incluent des changements environnementaux majeurs : augmentation des niveaux d'oxygène atmosphérique et océanique, fin des glaciations globales, libérant des nutriments, modifications de la chimie des océans favorisant la biominéralisation (ex: calcium), et fragmentation des continents créant de nouveaux habitats. Des facteurs génétiques, comme l'évolution de la "boîte à outils" développementale (gènes Hox) permettant de générer de nouvelles formes corporelles, sont également considérés comme essentiels. Enfin, des moteurs écologiques, tels que l'émergence de la prédation instaurant une "course aux armements" évolutive, l'apparition de la vision complexe, et la création de nouvelles niches écologiques (fouissage, vie pélagique) , ont joué un rôle déterminant.
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L'héritage du Cambrien est fondamental. Cet événement a établi la quasi-totalité des plans d'organisation corporelle des animaux modernes, une diversité architecturale qui n'a guère été augmentée depuis. Il a également structuré les premiers écosystèmes marins complexes, avec des réseaux trophiques à plusieurs niveaux et des interactions écologiques (prédation, compétition, ingénierie d'écosystème) qui préfigurent les écosystèmes actuels. L'Explosion Cambrienne a ainsi fourni le "matériau brut" et le cadre écologique pour toute l'évolution animale ultérieure.
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En conclusion, l'Explosion Cambrienne reste un sujet de recherche dynamique. Elle représente une période unique et transformative où les fondations du règne animal moderne ont été établies, changeant à jamais le cours de l'évolution sur notre planète.