


Le Carbonifère -359 Ma

Imaginez un monde, il y a entre 359 et 299 millions d'années, où les continents dérivaient pour former un unique supercontinent, où l'air était si riche en oxygène que les insectes atteignaient des tailles gigantesques, et où d'immenses forêts marécageuses couvraient les tropiques. Bienvenue au Carbonifère, une période fascinante de l'ère Paléozoïque, dont le nom signifie "porteur de charbon" en raison des vastes gisements de houille qu'elle nous a légués.
Durant ces 60 millions d'années, la Terre était en pleine réorganisation. Les grandes masses continentales, la Laurussia (précurseur de l'Amérique du Nord et de l'Eurasie) et le Gondwana (regroupant l'Amérique du Sud, l'Afrique, l'Antarctique, l'Australie et l'Inde), convergeaient lentement pour former le supercontinent Pangée. Ces collisions titanesques ont soulevé d'immenses chaînes de montagnes, comme les Appalaches en Amérique du Nord et les montagnes Varisques en Europe.
Le climat était radicalement différent. Au début (Mississippien), il faisait chaud et humide sous les tropiques, avec des mers peu profondes recouvrant de vastes zones. Puis, un refroidissement s'est amorcé. Le Gondwana, dérivant vers le pôle Sud, s'est couvert d'immenses calottes glaciaires, marquant l'Âge Glaciaire Karoo. Ces cycles de glaciation et de déglaciation faisaient fluctuer le niveau des mers, inondant et asséchant périodiquement les côtes.
L'atmosphère elle-même était extraordinaire. Grâce à la prolifération végétale, les niveaux d'oxygène ont grimpé jusqu'à 35% (contre 21% aujourd'hui) , tandis que le dioxyde de carbone (CO2), initialement élevé, a chuté drastiquement, atteignant des niveaux très bas, ce qui a contribué au refroidissement global.
Les paysages équatoriaux étaient dominés par de luxuriantes forêts marécageuses. Des arbres géants comme Lepidodendron et Sigillaria, des lycophytes pouvant dépasser 30 mètres, formaient la canopée. À leurs côtés poussaient les Calamites, semblables à des prêles géantes. Dans ces marécages, la matière végétale morte s'accumulait sans se décomposer complètement, formant d'épaisses couches de tourbe. Recouvertes par les sédiments lors des montées marines, ces couches de tourbe se sont transformées sous la pression et la chaleur en charbon. Ce processus a piégé d'énormes quantités de carbone, expliquant la baisse du CO2 et la hausse de l'oxygène. C'est aussi durant cette période qu'une innovation végétale majeure est apparue : la graine, permettant aux plantes de se reproduire loin de l'eau.

Exemple de paysage du Carbonifère
L'atmosphère hyperoxygénée a permis aux arthropodes d'atteindre des tailles record. Meganeura, une sorte de libellule géante, déployait une envergure de 70 cm, tandis qu'Arthropleura, un myriapode colossal, pouvait dépasser 2,5 mètres de long.

Illustration numérique d'un Meganeura géant posé sur une bûche dans une forêt, au Carbonifère (il y a 354 à 290 millions d'années). Cet insecte préhistorique, d'une envergure de 75 centimètres, est apparenté aux libellules actuelles et leur ressemble.
Le Carbonifère est aussi appelé l'« Âge des Amphibiens ». Des groupes variés comme les temnospondyles peuplaient les zones humides. Mais l'avancée évolutive majeure fut l'apparition de l'œuf amniotique. Doté d'une coquille et de membranes protectrices, cet œuf permettait aux embryons de se développer hors de l'eau. Les premiers animaux à le posséder, les amniotes, se sont divisés en deux lignées : les sauropsides, incluant les premiers reptiles comme Hylonomus, et les synapsides, nos propres ancêtres lointains.

Dimetrodon, Synapside non mammalien du Permien inférieur
Dans les mers, la vie s'était rediversifiée après l'extinction de la fin du Dévonien. Les requins primitifs connurent un "âge d'or" avec des formes parfois étranges, et les fonds marins peu profonds du début de période grouillaient de crinoïdes (lis de mer) et de brachiopodes.
Vers la fin du Carbonifère, le climat est devenu plus sec sous les tropiques, provoquant l'effondrement et la fragmentation des grandes forêts houillères (événement CRC). Cet événement a favorisé les plantes à graines et les amniotes, mieux adaptés aux nouvelles conditions.
Le Carbonifère nous a laissé un double héritage. D'une part, les vastes réserves de charbon qui ont alimenté la Révolution Industrielle et dont la combustion cause aujourd'hui le réchauffement climatique. D'autre part, il fut le théâtre d'innovations biologiques clés (graine, œuf amniotique) et de la divergence des lignées menant aux reptiles, oiseaux et mammifères, façonnant ainsi la biodiversité actuelle. Cette période illustre de manière spectaculaire comment la géologie, le climat et la vie interagissent pour transformer notre planète.